Justice, mépris et quête de reconnaissance chez Axel
Honneth
Kamal Boumenir,
Département de Philosophie
Université d’Alger2
1. Introduction
L’un des concepts fondateurs de la théorie
de la justice inaugurée récemment par le représentant actuel de la théorie
critique de l’école de Francfort, Axel Honneth, est celle de la
reconnaissance .Chez Honneth, l’exigence de justice ne renvoie pas seulement
à une exigence d’égalité au sens traditionnel, c'est-à-dire à un rapport
d’égalité dans la distribution (ou de la redistribution) des biens et des
richesses, visant à créer l’égalité sociale, mais aussi l’exigence de
reconnaissance de la personne humaine, de sa dignité et de sa valeur. Pour une
personne l’accès à un rapport positif à soi et réussi dépend de la
reconnaissance intersubjective de ses capacités, qui prend trois formes
générales (confiance en soi, respect de soi, et estime de soi) et définissent
l’ensemble des conditions qui sont requises pour que sociétés actuelles, dont
les contradictions et les conflits poussent à généraliser ce qu’il qualifie de
mépris social. L’expérience du mépris est toujours accompagnée d’émotions qui
révèlent à l’individu que certaines formes de reconnaissance lui sont refusées.
Fonder la justice sur la reconnaissance permet de prendre en considération les formes de déni de
reconnaissance, et du mépris social. Les principales catégories de cette
nouvelle représentation de la justice ne
sont plus « la distribution des biens » ou « l’égalité des
richesses » mais « la dignité humaine » et « l’intégrité
des individus ». Ainsi, la justice sociale se mesure à son degré
d’aptitude à garantir des conditions de reconnaissance mutuelle.
2.
Qu’est –ce que la reconnaissance ?
Le théorie de la reconnaissance d’Axel
Honneth connaît aujourd’hui une importante actualité dans le champ
philosophique contemporain, et figure dans les discours politiques, sociaux et
moraux. Cette théorie repose sur la thèse selon laquelle la reconnaissance de
la dignité des individus ou des groupes devient une part essentielle de notre
concept de justice. Pour clarifier cette thèse, il est peut être utile de commencer
par rappeler quelques points essentiels de la théorie de la reconnaissance.
C’est
à partir d’une relecture de la philosophie du jeune Hegel que Honneth a élaboré
sa réflexion sur la lutte pour la reconnaissance. Il note, dès la préface de
son livre La lutte pour la reconnaissance que : « Les écrits
hégéliens de l’époque d’Iéna, avec leur vision d’une vaste « lutte pour la
reconnaissance », offrent aujourd’hui encore la meilleure source
d’inspiration»1.La lutte, telle que l’a
comprend Hegel diffère profondément du modèle de la lutte pour l’existence entre
les hommes, que Machiavel et Hobbes avaient introduit- indépendamment l’un de
l’autre- dans la réflexion philosophique
et politique sur la société.
Le
concept de lutte pour Hegel n’exprime pas – selon Honneth – un conflit
permanent entre les hommes où chacun doit lutter contre tous pour sauvegarder
son existence , mais plutôt considérer la lutte comme un moyen moral par lequel
un individu cherche à faire reconnaître
par un autre individu les aspects de son identité particulière , et au lieu de
partir de la guerre de tous contre tous. Selon Hegel, la reconnaissance désigne
une relation réciproque idéale entre les individus, dans laquelle chacun
perçoit l’autre à la fois comme égal et comme séparé de soi. L’approche de
Honneth part de l’idée hégélienne selon laquelle l’identité se construit à
travers un processus de reconnaissance mutuelle.
Cependant, Honneth a réactualisé cette idée
sur une base empirique en s’appuyant sur les acquis de la psychologie sociale
et de la psychanalyse, et plus précisément sur les travaux de G. H. Mead qui offrent – selon lui–
l’instrument méthodologique le plus approprié pour reconstruire dans un cadre
théorique post- métaphysique. Pour Mead la conscience de l’identité de
l’individu dans la société vient du fait que l’individu se juge lui –même à
travers les perspectives de l’autre personne qui lui fait face , et cette
identité est étroitement liée au processus au cours duquel l’individu, ou plus
précisément l’enfant , intériorise les perspectives d’autrui, d’abord concret ,
puis de plus en plus généralisé, et apprend ainsi progressivement à ériger en
lui- même l’instance d’un « moi » qui l’aide à contrôler d’une façon
autonome ses propres impulsions.2
Honneth insiste sur le fait que l’individu
doit d’abord être saisi à partir du processus de socialisation afin qu’il
puisse s’éprouver soi –même en se plaçant aux points de vue des autres membres
de sa communauté ou du groupe social qu’il appartient en mettant l’accent sur
le rôle des interactions qui déterminent l’activité sociale des individus .C’est
ainsi que l’expérience de la reconnaissance est un facteur constitutif de
l’individu, afin de parvenir à une relation réussie à soi, c’est ce qui
explique son besoin d’une reconnaissance intersubjective de ses capacités et
ses prestations. D’après Honneth,« L’individu apprend à se percevoir comme
membre particulier et à part entière de la société en prenant progressivement
conscience de besoins et de capacités propres constitutives de sa personnalité
à travers les modèles de réaction positive de ses partenaires
d’interaction »3. Ainsi on peut affirmer que si je ne
reconnaissais pas un individu comme une personne en fonction des prestations
sociales qui sont les siennes, je ne pourrais m’attendre à me voir reconnu à
travers ses réactions. Autrui est donc celui que je dois reconnaître comme un
individu doté de prestations et qualités qu’ils lui sont propres, en même temps
que lui aussi me reconnaît comme tel.
Honneth ajoute ensuite l’idée qu’il existe
trois formes de reconnaissance, elles- mêmes liée à différents types de
relations positives à soi acquises à travers les formes de socialisation. La
première forme est celle de l’intimité, la reconnaissance y passe par l’amour
et l’amitié, qui rendent possible la « confiance en soi » sans
laquelle les individus ne peuvent participer positivement et de façon autonome
à la vie sociale, c’est en ce sens que commence l’intersubjectivité dans toute vie humaine et que les individus
font l’expérience de relations de reconnaissance réciproque qui leur permettent
d’accéder à un degré à chaque fois plus élevé d’autonomie. Honneth considère
que l’amour intègre toutes les relations primaires qui, sur le modèle des
rapports érotiques, amicaux ou familiaux, impliquent des liens affectifs
puissants entre un nombre restreint de personnes.
La deuxième forme porte sur les relations
juridiques : la reconnaissance dépend ici des droits qui sont attribués à
l’individu , qui donnent accès au « respect de soi », ce qui permet à
l’individu de se considérer comme une personne qui partage avec tous les autres
membres de sa communauté les caractères qui la rendent capable de participer à
la formation d’une volonté discursive afin de se rapporter positivement à soi
même , mais dans le cadre duquel chaque individu peut sentir avoir les mêmes
droits que les autres individus , pour développer ainsi le sentiment de respect
de soi , comme attitude positive que l’individu est capable d’adopter à l’égard
de lui-même , lorsqu’il il est reconnu par autrui comme personne« Pour
parvenir à l’intégrité de la relation à soi-même, les sujets humains doivent en
effet nécessairement se voir confirmés ou reconnus dans la valeur de certaines
facultés et certains droits »4
Ainsi,
l’individu acquiert dans l’expérience de la reconnaissance juridique la
possibilité de comprendre ses actes comme une manifestation, respectée par
tous, de sa propre autonomie et pour son statut social.
La
dernière forme de la reconnaissance selon Honneth, concerne la contribution de
nos activités individuelles au bien de la communauté , dans ce contexte, la
reconnaissance y a pour conséquence « l’estime de soi » , car pour
parvenir à établir une relation ininterrompue avec eux-mêmes , les individus
n’ont pas seulement besoin de faire l’expérience d’un sentiment d’ordre
affectif (l’amour) et d’une reconnaissance juridique ( le droit) , ils doivent
aussi jouir d’une estime sociale
qui leur permet de rapporter positivement à leurs qualités et à leurs capacités
concrètes. Les formes d’interaction prennent normalement le caractère des
relations de solidarité, parce que chaque membre se sait également
apprécié par tous les autres. Le terme
« solidarité », en effet désigne ici une sorte de relation
d’interaction dans laquelle les sujets s’intéressent à l’itinéraire personnel de leur vis-à-vis, parce qu’ils ont établis entre eux des liens d’estime symétrique5. S’estimer,
en ce sens, c’est s’envisager réciproquement à la lumière de valeurs qui
donnent aux qualités et aux capacités de l’autre un rôle significatif dans la
pratique commune.
Retenons simplement que, comme nous l’avons indiqué , pour Honneth
, les trois formes de reconnaissance de l’amour, du droit et la solidarité
créent ensemble les conditions sociales dans lesquelles « L’individu
apprend à s’appréhender lui-même à la fois comme possédant une valeur propre et
comme étant un membre particulier de la communauté sociale dans la mesure où il
s’assure progressivement des capacités et des besoins spécifiques qui le
constituent tans que personne grâce aux réactions positives que ceux-ci
rencontrent chez le partenaire généralisé de l’interaction. Ainsi chaque sujet
humain est-il fondamentalement dépendant du contexte de l’échange sociale
organisé selon les principes normatifs de la reconnaissance réciproque »6.
Ainsi,
dans sa participation à un monde vécu social où il est possible de rencontrer
chacun des trois modèles de reconnaissance, sous une forme concrète ou une
autre, le sujet peut se référer à lui –même sous les modalités positives de la
confiance en soi, du respect de soi et de l’estime de soi.
3. Reconnaissance et mépris social
Après avoir
précisé les formes de la reconnaissance sociale, il convient à présent
d’aborder le concept de mépris social, car selon Honneth, les différentes
formes de reconnaissance ( l’amour, le droit et la solidarité ) ne va cependant
pas de soi , puisque des situations de déni de reconnaissance sont très
courants dans les sociétés modernes. A ce propos, Honneth observe à juste titre
que « dans la mesure où
l’expérience de la reconnaissance est une
condition dont dépend le
développement de l’identité personnelle dans son ensemble, l’absence de cette
reconnaissance, autrement dit le mépris, s’accompagne nécessairement du
sentiment d’être menacé de perdre sa personnalité. Et lorsque les conditions de l’interaction sociale sont violées et que l’on refuse à une personne
la reconnaissance quelle mérite, elle y réagit en règle générale par des
sentiments moraux qui accompagnent l’expérience
du mépris, et donc par la honte, la colère ou l’indignation7.
Nous
tenons à souligner que Honneth fait ici une distinction entre trois formes de
mépris social : La première forme touche la personne dans son intégrité physique
et son autonomie. En essayant de se rendre maître du corps d’une personne
contre sa volonté, on le soumet en effet à une sorte d’humiliation qui blesse
durablement la confiance que l’individu a acquise. Grâce à l’expérience de
l’amour, en sa capacité à coordonner son corps de façon autonome. C’est ainsi
que la violence physique représente un type de mépris qui entraîne , avec une
sorte de honte sociale , une perte de confiance en soi , car ce qui est
nié ici c’est la capacité même de
l’individu à disposer librement de son propre corps , telle quelle s’est
constituée au cours des expériences affectifs dont dépend le processus de
socialisation , c’est pour cela que l’expérience de la torture ou du viol
provoque toujours sur la victime un effondrement de la confiance au monde
social , la particularité de telles atteintes (torture ou viol ) ne réside pas
tant dans la douleur purement physique que dans le fait que de cette douleur
s’accompagne chez la victime le sentiment d’être soumis sans défense à la volonté
d’un autre sujet , au point de perdre la sensation même de sa propre réalité8.
Quant à la seconde forme du mépris social elle
est à chercher dans les expériences d’humiliation qui peuvent affecter le
respect moral lorsque la personne humaine se trouve exclue de certains droits
au sein de la société. L’expérience de la privation de droits s’accompagne, de
manière typique, d’une perte de respect de soi, de la capacité à se rapporter à
soi-même comme à un partenaire d’interaction pourvu des mêmes droits que tous
les autres […] Ce type de mépris prive la personne de cette forme de reconnaissance
qui est impliquée par le respect cognitif de la responsabilité morale, laquelle
a été péniblement acquise par la socialisation9.
La dernière forme de mépris consiste à juger
négativement la valeur sociale de certains individus ou des certains groupes
sociaux, qui entraîne une sorte d’humiliation et une perte de l’estime de soi.
L’individu humilié n’a plus aucune chance de pouvoir se comprendre lui-même
comme un être apprécié dans ses qualités et ses capacités caractéristiques. La
disparition de ces relations de reconnaissance débouche sur des expériences de
mépris et d’humiliation qui ne peuvent être sans conséquences pour la formation
de l’individu10.
Charles
Taylor évoque le même type de déni de reconnaissance et du mépris lorsqu’il écrit:« La
non-reconnaissance ou la reconnaissance inadéquate peuvent causer du tort et
constituer une forme d’oppression, en emprisonnant certains dans une manière
d’être fausse, déformée et réduite […] le défaut de reconnaissance ne trahit
pas seulement un oubli de respect normalement dû. Il peut infliger une cruelle
blessure, en accablant ses victimes d’une haine de soi paralysante. La
reconnaissance n’est pas simplement une politesse que l’on fait aux
gents : c’est un besoin humain vital »11.
À partir de ces trois formes de mépris
social, s’accompagnent des sentiments susceptibles de révéler aux individus que certaines formes de reconnaissance sociale leurs sont refusées, et à travers de telles sentiments,
le mépris peut fournir le motif déterminant de la « conscience de
l’injustice », une conscience fortement marquée par les traumatismes relevant
du monde vécu.
4.
Justice et reconnaissance
On peut observer-comme le souligne Emmanuel
Renault- qu’il existe deux types
d’approche concernant la conception de la justice. La première, renvoie
traditionnellement à un rapport d’égalité
et d’équité dans la distribution
(ou la redistribution) des biens et des richesses, afin d’éradiquer les
injustices sociales et économiques, la seconde soutient que la justice est liée
à la reconnaissance, que l’atteinte à la dignité de la personne humaine, du
mépris social, de la perte de l’estime de soi, et non plus la répartition
équitable des biens et des richesses qui constituent le fondement de la
justice, car ce qui importe n’est pas tant l’idée d’un traitement
proportionné à la valeur de l’individu que celle d’un traitement conforme à
l’idée qu’il se fait de sa propre dignité.12En ce sens, le
point de référence d’une conception de la justice sociale, selon Axel Honneth,
doit trouver son ancrage dans la qualité des relations de reconnaissance
mutuelle au sein d’une société. Mais cette reconnaissance ne se formule pas
seulement ni immédiatement
sous la forme de l’exigence d’une certaine répartition des biens sociaux, elle
est une demande essentiellement qualitative portant sur des conditions qui
doivent permettre un rapport positif à soi, une construction réussie de son
identité. Il ne s’agit pas seulement là d’une demande de justice, mais d’une
exigence morale13.
Ce qu’il ya de juste ou de bon dans une
société -selon Honneth- se mesure à sa capacité à assurer les conditions de la
reconnaissance réciproque qui permettent à la formation de l’identité
personnelle -et donc à la réalisation de soi de l’individu-de s’accomplir de
façon satisfaisante. En d’autres termes, La justice ou le bien-être d’une
société se mesure à son degré d’aptitude à garantir des conditions de
reconnaissance mutuelle dans lesquelles la formation de l’identité personnelle
et ce faisant, l’épanouissement individuel, pourront se réaliser dans des
conditions suffisamment bonnes 14, car les injustices sociales
sont aujourd’hui vécues comme une
atteinte à l’identité, à l’estime de soi, à la capacité d’agir et de sentir
pleinement membre d’une société15.
Dès lors on peut dire, du point de vue de
Honneth, que les théories de la justice issues notamment des travaux du
philosophe politique américain John Rawls et les discussions qu’ils ont
engendrées ,en se focalisant exclusivement sur le concept de la justice et à l’identification
de ses critères , restent aveugles aux expériences morales de l’injustice, et à
méconnaitre l’importance des pathologies sociales ,il en résulte que ces
théories ne peuvent rendre compte et dénoncer l’ensemble des formes actuelles
de la souffrance et de l’injustice sociale. En effet, la souffrance des exclus
ne tient pas tant à la privation de travail et de richesses qu’à une
désaffiliation, qu’à une mise en péril de toutes les relations sociales qui
constituent le socle de l’identité personnelle16.
Cette conception de la reconnaissance a
soulevé des objections conduisant à la thèse selon laquelle les exigences de
redistribution des biens matérielles ne peuvent être prises en considération
par la théorie de la reconnaissance, en raison de l’inégalité croissante de la
distribution des ressources économiques, il serait particulièrement hasardeux
de se contenter de définir l’objectif d’une société juste par la simple
reconnaissance de l’identité personnelle ou collective parce qu’on n’accorderait
plus alors aucune attention aux conditions matérielles de la justice17.C’est
la philosophe américaine Nancy Fraser qui a le plus fortement formulé cette
critique; elle soutient que « toutes les injustices structurelles dont
souffrent les membres de la société peuvent être ramenées à l’économie. La
source et le cœur de l’injustice sont une distribution économique inique, et
toutes les injustices culturelles qui l’accompagnent relèvent en dernière
instance de causes économiques. C’est donc une redistribution économique, et
non une reconnaissance culturelle, qui pourra remédier à cette injustice18.
Selon Honneth, Fraser se trompe en se limitant aux conceptions
« populaires » de la justice. Il partage avec elle l’idée que la
théorie de la reconnaissance19.Les principales catégories de cette nouvelle
représentation de la justice ne sont plus la « répartition égale » ou
« l’égalité des richesses », mais la « dignité » ou le
« respect ».Alors que le concept de « redistribution » est
lié à une vision de la justice visant à créer l’égalité sociale par la
redistribution des biens qui rendent possibles la liberté la reconnaissance
conduit à définir les conditions d’une société juste par la reconnaissance de la
dignité ou l’intégrité des individus20.
5- Conclusion
Depuis
quelques années, la théorie de la reconnaissance, élaborée par le représentant
de la troisième génération de l’école de francfort, Axel Honneth, connait un
succès certain et fait l’objet d’un regain d’intérêt, particulièrement chez les
philosophes qui se sont intéressés à débattre la problématique concernant la
justice sociale, qui se situe dans le champ politique ainsi que le champ social.
La théorie de la reconnaissance peut contribuer, selon Honneth, à reformuler le
concept de justice sociale, qui doit
trouver son ancrage dans la qualité des relations de reconnaissance mutuelle au
sein d’une société afin de dénoncer l’ensemble des formes actuelles de la
souffrance et de l’injustice sociale, qui sont
aujourd’hui vécues comme une atteinte à l’identité, à l’estime de soi, à
la capacité d’agir et de sentir pleinement membre d’une société. La perception
de l’injustice s’enracine dans le sentiment qu’un aspect essentiel de ma dignité
est bafoué, sentiment qui comporte quelque chose d’insupportable. Parler de
justice signifie, ici, que ma dignité est bafouée par autrui ou par des
institutions, en d’autres termes, que mon intégrité morale est lésée dans le
cadre d’une relation intersubjective, d’un déni de reconnaissance 21.
Du
point de vue de la théorie de la reconnaissance, la problématique de la
justice, n’est pas celle de la répartition quantitative des biens sociaux, mais
celle des conditions qualitatives permettant de mener une « vie
réussie », elle est une demande essentiellement qualitative portant sur
des conditions qui doivent permettre un rapport positif à soi, une construction
réussie de son identité. Les trois principes fondamentaux que sont l’amour,
l’égalité et la contribution à la société qui, pris ensemble, déterminent ce
que l’on devrait comprendre aujourd’hui par l’idée de justice.
Références :
1. Axel Honneth ,La lutte pour la
reconnaissance. Traduit de
l’Allemand par Pierre Rusch. Les éditions du Cerf, Paris, 2002, p.7.
2. Voir à ce propos, G.H.
Mead. L’esprit, le soi et la société. Traduit de l’Anglais par Jean
Caseneuve, Paris, puf, 1963.
3.
Axel Honneth, « Reconnaissance et justice », Le
Passant ordinaire n°38, 2002, p 39.
4.Axel Honneth, « Reconnaissance »,
in M.Canto Sperber, Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Traduit
par O. Mannoni, PUF,Paris, 1996, p.1276.
5.Axel Honneth, La lutte
pour la reconnaissance, op.cit., p.156.
6.
Axel Honneth,La théorie de la Reconnaissance : une esquisse, traduit
par S. Haber, Revue, Du Mauss, Le centre national du livre, Paris,
2004, p 133.
7.
Axel Honneth, La société du mépris. Vers une nouvelle théorie critique.
Traduit de l’Allemand par Olivier Voirol, Pierre Rusch et Alexandre Dupeyrix,
Paris, La Découverte, 2006,
p.20.
8. Axel Honneth, La lutte
pour la reconnaissance, op.cit., p.163.
9.
Axel Honneth, « Intégrité et mépris : principes d’un morale de la
reconnaissance »,
traduit de l’allemand parHervé Pourtois ,Recherches
sociologiques,1999/2, n°30,p .14.
10.
Axel Honneth. La théorie de la Reconnaissance : une esquisse,
op.cit., p.133.
11. Charles Taylor, « La
politique de la reconnaissance », in Multiculturalisme,
Différence et démocratie, Aubier, Paris, 1994, p.42.
12.Emmanuel
Renault, Mépris social. Ethique et politique de la reconnaissance,
Du Passant, Paris, 2004, P, 55.
13. Franck
Fischbach. « Axel Honneth et le retour aux sources de la théorie
critique : la reconnaissance comme autre de la justice. » in E.
Renault et Y. sintomer (dir) : où en est la théorie critique,
La découverte, Paris, 2003, p.176.
14. Axel Honneth, «
Reconnaissance et justice », op. cit ., p41.
15. François
Dubet , « Injustices et reconnaissance » in Alain Caillé (dir)La
quête de reconnaissance, nouveau phénomène social total , La
Découverte, Paris,2007, p16.
16. Emmanuel
Renault, Mépris social. Ethique et politique de la reconnaissance,
op. cit ., p 113.
17. Axel
Honneth, « Reconnaissance et reproduction sociale »
in J.P.Payet et A.Battegay (dir) La reconnaissance à
l’épreuve. Explorations socio-anthropologiques, Septentrion, Paris, 2008,p
55.
18. Nancy Fraser, « De
la distribution à la reconnaissance ? Les dilemmes de la justice dans une
ère postsocialiste » inqu’est –ce que la justice sociale ?
Traduit par E.Ferrarese,La Découverte,
Paris, 2005, p 21.
19. Daniel
Marc Weinstock, « Trois conceptions de la reconnaissance » in La
reconnaissance à l’épreuve. Explorations socio-anthropologiques, op.
cit ., p 61.
20. Axel
Honneth, « Reconnaissance et reproduction
sociale » op. cit ., p 45.
21.
Emmanuel Renault, L’expérience de l’injustice. Reconnaissance et
clinique de l’injustice, La découverte, 2004, p 75.
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